Le Livre: Henri Schott, un écrivain d’une soixantaine d’années à « l’âme charbonneuse », le corps amaigri par une maladie qu’il ne soigne pas, revient à Zornhof, un bourg situé sur le plateau lorrain, où il avait passé ses étés d’enfant. Qu’y retrouve-t-il sinon les illusions de la mémoire ? Pèlerin porté par la nostalgie d’un pays qui l’a fait tel qu’il est, homme des sentiments anciens, rebelle à la banalité du monde moderne, encore marqué par les rites paysans et la sévérité d’une famille de sabotiers, dont les « repas étaient aussi enjoués que ceux des fondamentalistes danois », Henri Schott flotte entre présent et passé. Il va rencontrer, au gré de son errance, différents personnages énigmatiques. De sa mémoire surgissent d’abord Baba, la grand-mère lanceuse de pierres et l’oncle Gus, au corps d’athlète sexuel, qui finira mal en « Ajax du ruisseau ». Comme les étapes initiatiques de son voyage d’hiver, il y a la blonde Marlène, qui tient l’auberge « Le chat rouge », à coups de lasso. « Fleur-de-bourrache déguisée en cow-girl », elle réchauffe un moment les os solitaires de Schott. Il y a aussi Mathias, le gitan, l’homme-loup qui n’aime rien tant que marcher dans les forêts vosgiennes, et partage avec Schott la même insoumission. Infusé par la musique de Schubert, ce roman mélancolique, cette bouffonerie parfois, est un voyage immobile. Il a le rythme fiévreux de la danse macabre, le grinçant d’un dessin de Jacques Callot, le tempo lent des ombreuses forêts germaniques où se perd Schott. À la fin du livre, l’écrivain, comme apaisé, pourrait reprendre à son compte la mélodie de Schubert : « Je suis au bout de mes rêves / Pourquoi m’attarder parmi les dormeurs ? »