Automne à Budapest est un livre inouï. A ma connaissance, c’est le premier livre publié à Budapest qui ose dire clairement que la révolution de 1956 a été voulue, crue, combattue, assumée par l’écrasante majorité du peuple hongrois : la plupart des jeunes, des étudiants, des ouvriers, des intellectuels, des membres du parti, des soldats. C’est le premier livre dans lequel Imre Nagy, le Premier ministre exécuté de la révolution, non seulement n’est pas couvert d’invectives, mais est présenté comme un homme de bonne volonté, honnête, soudé avec le peuple insurgé. C’est le premier livre dans lequel on peut dire en toutes lettres, presque à la manière de document, des textes, des discours, des articles, des appels, interdits d’impression depuis un quart de siècle. Bien sûr, des années après les changements en Europe centrale et de l’est, tout ceci nous paraît banal ; mais les citer, les imprimer alors, aux alentours de 1980, laisser au lecteur le soin de les commenter, n’était pas simplement de la témérité, mais carrément un défi à l’égard du régime. Toutefois pour oser ce défi, il fallait aussi lancer un os à ronger aux chiens de garde de l’idéologie officielle, toujours en éveil. D’où l’agrandissement de certains phénomènes périphériques dans quelques épithètes, descriptions, personnages, longueurs, sans parler de ce conflit père-fils tendu à l’extrême.