De tous les grands romans d’Inoué, l’un des plus ouvertement “aventureux” - mais non le moins désabusé… le fait de savoir, dès la préface de l’auteur, que ces Rêves de Russie ne font que raconter une histoire parfaitement authentique ne consolant en rien, bien au contraire, la tristesse qui nous tient à l’instant de refermer le livre.
A la fin du XVIIIe siècle, Daikokuya Kôdayû, capitaine du Shinshômaru, poussé vers le nord avec ses compagnons, fait naufrage aux abords d’une île située juste au sud du détroit de Béring. La moitié des survivants périt faute de pouvoir s’habituer au terrible climat. Les autres apprennent à vivre en imitant les sauvages de l’endroit et en se liant à quelques aventuriers russes exilés dans les parages, dont ils apprennent la langue et les coutumes. Les aventures du brave Daikokuya ne font que commencer…
On le suit ensuite jusqu’aux rivages de la Sibérie, qu’il atteint à bord d’une embarcation de fortune ; puis jusqu’à Irkoutsk où l’un de ses compagnons, amputé après avoir eu les jambes gelées, se convertit à la religion orthodoxe ; et de là à Saint-Pétersbourg où il est reçu par la Grande Catherine en personne, avant d’être autorisé à regagner, après mille tribulations, son lointain archipel.
Terrible retour où l’attend l’incompréhension des siens, leur suspicion… et une solitude pire encore que l’exil.
Inoué signe, avec ces aventures d’un Ulysse nippon - un Ulysse puni - l’un de ses livres les plus amers… mais non le moins bouleversant.