Écrit à la première personne, le roman est le récit de la folie d’un homme, Lou Ford, adjoint du shérif. Une plongée glaçante dans sa schizophrénie. Une noire, froide et violente compagnie. Nous sommes au cœur de l’Amérique profonde, au milieu du Texas dans les années cinquante. Lou est un homme affable, serviable, qui fait son boulot de shérif du mieux qu’il peut. Il vit seul, mais n’en dédaigne pas pour autant les femmes : Amy, sa “promise”, ou encore Joyce, une prostituée installée depuis peu aux abords de la ville. Très vite, nous allons être confrontés à la violence de Lou envers les femmes. À ces instants où il bascule dans la folie meurtrière. Mais le récit, quant à lui, reste d’une “froideur” absolue, aussi calme et posé que le personnage qu’il décrit. Glaçante est le qualificatif qui me semble le plus approprié pour décrire l’atmosphère de ce roman. Jim Thompson dissèque avec précision les mécanismes de la folie de Lou, ses origines. Il en profite également pour tirer quelques piques sur la société américaine, la corruption qui la gangrène. Traduit une première fois pour la Série Noire en 1966 par France-Marie Watkins sous le titre Le Démon dans ma Peau, The Killer Inside Me, le chef-d’oeuvre incontesté de Jim Thompson, fait peau neuve et retrouve son éclat originel grâce aux bons soins combinés des éditions Rivages et de Jean-Paul Gratias, à qui a été confiée cette nouvelle traduction. Chacun sait qu’autour des années cinquante et soixante, la Série Noire de Marcel Duhamel s’est octroyée quelques libertés avec les textes qu’elle publiait, ajoutant par-ci par-là, lors de la traduction, des touches d’argot qui apportaient une couleur homogène à la collection, coupant par ailleurs quelques chapitres jugés trop longs, afin de se conformer aux deux cent cinquante pages maxi “obligatoires”.