L’accommodement, l’arrangement, le compromis, la compromission…, autant de mots pour dire les facettes d’une coutume qui, en l’absence d’un véritable état de droit, a longtemps régi les relations entre Siciliens. C’est à une enquête que nous convie l’auteur, une enquête avec ses méandres, ses surprises, comiques parfois, et nous découvrons peu à peu avec lui les racines d’une coutume sociale qui semble bien se confondre, à l’origine, avec les « bulles d’indulgence » chères à l’Eglise. On voit en effet le clergé vendre allègrement des « bulles de composition » qui assurent l’absolution pour une longue liste de méfaits selon un barème soigneusement établi, voire avec ristourne à l’évêque. Et ce qui apparaissait, au début, comme une hypothèse extravagante finit par se révéler, noir sur blanc, bien réel. Camilleri est un conteur, savoureux, enjoué, mais toujours lesté, au fond, par la gravité des problèmes qu’il touche ou soulève. Les problèmes de la Sicile, les aspects pittoresques mais douloureux d’une mentalité qui s’est forgée au fil des occupations étrangères, des avatars économiques, du féodalisme, de la politique des grands propriétaires terriens et de leurs milices, les « campieri », à travers les ambiguïtés populistes du brigandage et de la mafia. Tout cela suggéré ou révélé, raconté, comme sans y toucher, sur un ton d’ironie, parfois grinçante, avec tendresse.