Avec
Game Over, Isabelle Villain nous plonge au cœur d’une intrigue haletante et perturbante. Elle confirme ainsi, sans contestation, sa place au sein des auteurs incontournables du polar. Si l’histoire débute avec la découverte macabre d’un cadavre et entraîne rapidement le lecteur dans une enquête tortueuse, son originalité n’est pas là, nous retrouvons cela dans un grand nombre de polars. Des histoires d’accidents/suicides, de tueur en série, nous en avons tous lu des bibliothèques entières. Ici, l’auteur hisse la barre plus haut avec un duo de tueurs synchronisés… Et comme si cela ne suffisait pas, une partie de l’intérêt de cette intrigue provient des particularités de ce duo et de ses motivations. Leur objectif fait froid dans le dos au point de faire douter, et c’est un euphémisme, une figure reconnue du “36”.Nous oscillons constamment entre tension et fascination. L’intrigue est parfaitement rythmée, alternant entre moments d’action, introspection des personnages et révélations saisissantes.
L’échec est une chose, la lassitude en est une autre. Cette affaire a remis en cause bon nombre de certitudes et elle ne sait plus vraiment si elle a encore envie de faire ce job.
Les personnages, bien que nombreux, sont brillamment construits. Si Isabelle Villain excelle à explorer les failles humaines, rendant ses personnages crédibles et profondément humains, elle n’hésite pas non plus à les sacrifier sur l’autel de l’intrigue. Nous nous attachons autant aux enquêteurs et victimes impliqués dans l’affaire qu’aux tueurs. Elle va ainsi passer plusieurs pages à camper son premier personnage, qui ne verra même pas la fin du premier chapitre… Pour d’autres, elle va jusqu’à créer une intrigue parallèle qui les perturbe et captive le lecteur. Bref, la complexité des personnages contribue fortement à la dimension psychologique intense de l’intrigue. Si par moment les “méchants” peuvent douter, ils n’ont pas de pitié pour autant :Entre psychopathes, on se renifle. On s’apprivoise. On se jauge.
Il voulait savoir s’il était capable de tuer sans affect. S’il était capable de regarder sa victime crever sans éprouver le moindre regret. Des vieux, une femme, des gosses. Il a passé tous les niveaux, avec aisance et virtuosité. Le crime est un art. En y réfléchissant bien, il a même ressenti un certain plaisir à contempler ces visages se tordre de peur. À voir apparaître la mort dans leurs yeux.
Aujourd’hui, il se sent prêt. Car sa prochaine victime mérite un châtiment exemplaire. Elle mérite de mourir dans d’atroces souffrances, et il espère ressentir une jouissance proportionnelle à la torture infligée.
Le style d’Isabelle Villain est à la fois simple et incisif. Elle manie les mots avec une précision chirurgicale pour tenir le lecteur en haleine, tout en injectant des moments de réflexion sur des thèmes sociétaux comme la justice, la vengeance et la rédemption. Dans ce livre, elle ne semble pas non plus avoir une vision très optimiste de l’avenir de votre société. Les descriptions des scènes de crime sont particulièrement percutantes, mais jamais gratuites, servant toujours à renforcer l’atmosphère oppressante du récit.
Game Over est un thriller parfaitement abouti, mêlant une intrigue palpitante à des personnages profondément humains. Isabelle Villain nous offre une œuvre sombre, intense, captivante et complète, aucune question sur l’intrigue ne reste en suspens. Mais, comme tout bon livre, elle nous laisse nous poser de nombreuses questions sur notre société et son évolution.
Et franchement, il faut s’en poser sur la société, et peut-être un peu sur l’auteur, quand nous voyons à quoi peut aboutir une partie d’un jeu très innocent, comme les sept familles, et dont les joueurs sont si jeunes !
Ce gosse de 20 ans ne semble même pas regretter son geste. Le crime est devenu un moyen de se divertir. De passer le temps.