Le premier chapitre est très cohérent avec le titre, au moins pour le côté sombre. Et malgré ce côté déprimant, nous avons envie de savoir ce qu’il s’est passé 15 ans auparavant. Eva Delambre joue à merveille sur le voyeurisme qui sommeille en chacun de nous pour nous captiver et introduire naturellement son premier flashback. Ceux-ci sont d’ailleurs très bien gérés, l’alternance des époques est très fluide pour le lecteur.
Elle manie sa plume à la perfection pour donner une grande profondeur chargée d’émotions à son récit. Ce dernier n’est pas une simple histoire de disparition accompagnée du syndrome du survivant, c’est aussi un parcours initiatique pour découvrir la vérité. Si ce dernier point est propre à son héroïne, l’ensemble des réflexions qui l’accompagne s’adresse à tous les lecteurs. Cela commence par une “simple” analyse sur l’utilisation des sucreries contre les angoisses et s’étend aux vieux secrets enfouis qui peuvent asphyxier une personne, la gestion de la culpabilité... qui amène souvent à la dépression, voir au suicide.
Il s’agissait pour elle d’une punition bien méritée. [...] Elle estimait ne pas mériter d’aller mieux. [...] Cette idée de mieux-être lui faisait presque peur tant elle ne se souvenait plus de ce que l’on pouvait ressentir sans ce poids, sans cette culpabilité qui la rongeait.
La culpabilité. Les remords... Les regrets... Je ne connais que trop bien tout cela. Prendre la mauvaise décision, au mauvais moment, ne pas réagir assez vite. Juste un peu trop tard, et votre vie bascule à jamais dans les ténèbres et le chaos. C’est terrible...
Le cadre de son récit est également impitoyable et glaçant. Comment pourrait-il en être autrement ? Il s’agit d’un ancien hôpital psychiatrique dont le quotidien est révélé par une ancienne employée. En jouant sur la dualité entre la noirceur des pratiques de l’époque et l’innocence d’une patiente, Eva Delambre crée un moment bouleversant du livre.
Sans vouloir minimiser l’intérêt de cet épisode, loin de là, il ne s’agit que de l’un des nombreux points forts du livre. Pratiquement chaque chapitre apporte sa pierre pour construire un édifice toujours plus haut en émotions et en profondeur. Bien évidemment la fin n’en est pas exempte, avec la double narration qui raconte les deux visites de cet hôpital en alternant les scènes du présent et du passé.
Un long monologue intérieur va clore ce récit, et apporter toutes les lumières sur cette histoire sombre dont l’intérêt principal pour moi, en passant outre toute la noirceur dont est capable l’être humain, réside dans sa profondeur des émotions et des réflexions qu’Eva Delambre nous invite à partager.
Tout au long de son récit, en jouant sur les émotions, Eva Delambre garde son lecteur captif, et comme si cela ne suffisait pas, elle s’autorise quelques moment de sadisme :Et quand la nuit vint, ils comprirent que rien n’irait bien.
Je serais tenté de dire que même si ce n’est pas un conte de fée, loin de là, en changeant la traditionnelle fin “Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfant” par “Elle libérèrent leurs âmes et retrouvèrent le goût de vivre”, nous n’en serions peut être pas si pas loin.
je partirai sur les routes. Je veux voir d’autres choses, me laver les yeux et l’esprit avec ce que ce monde a encore de beau, loin des hommes et de leur folie. J’irai là où il y a peu de monde, je vivrai de rien, je m’arrêterai là où j’aurai envie, et partirai quand j’en aurai assez.