À pas de loup

J’ai eu du mal à écrire cette critique, non pas que le livre ne m’ait pas plu, bien au contraire, mais parce qu’il fait partie de ses livres qui ne se relisent pas de la même manière. La construction de l’intrigue est telle qu’il est vain de ne pas prendre en compte les découvertes faites au fil du livre dans la rédaction d’une critique. Cela s’avère préjudiciable pour le futur lecteur, et il serait trop laborieux de tout écrire sous spoiler. Aussi je vais faire une mini critique pour tous, suivie d’une plus longue que je vous déconseille de lire si vous n’avez pas encore lu le livre et que vous voulez profiter pleinement de votre première lecture. Donc, en bref, j’ai beaucoup aimé cette histoire qui nous sort de notre zone de confort, ce n’est pas un simple thriller avec enlèvement d’enfant comme nous en avons tous lu des dizaines. Isabelle Villain s’appui sur le thème de la transition écologique pour nous entraîner dans son récit. Son style, le rythme et la tension qu’elle y insuffle nous en rendent captif, ce qui lui permet de le faire évoluer peu à peu dans une direction que je n’avais pas du tout anticipée. Sans trop en dévoiler, je dirais qu’elle a beaucoup travaillé sur l’humain qui peut être formidable comme désespérant, et quelle que soit la qualité d’une idée ou d’un projet, au final elle repose entièrement sur l’humain... Isabelle Villain nous immerge dans cette intrigue qui lui sert de prétexte pour nous amener à réfléchir en profondeur sur de nombreux sujets tout au long de ce livre. La fin est également bien travaillée. C’est ici que je dois m’interrompre et que j’encourage les futurs lecteurs à nous quitter afin de pouvoir apprécier pleinement leur première lecture. Nous avons donc une histoire qui commence par un appel à un retour aux sources avec quelques familles qui abandonnent leurs vies stressantes pour se tourner vers ce hameau “écologique”, dans le bon sens du terme. Au premier abord, ce projet semble séduisant comme alternative raisonnée à notre société qui s’enferre en dépit du bon sens. L’auteur a la sagesse de ne pas proposer cette solution comme parfaite, les nombreux inconvénients inhérents à ce fonctionnement ne sont pas oubliés.
De manière progressive, pour garder la fluidité du récit, nous avons le passé de chaque famille et ses raisons pour tout quitter et rejoindre cette communauté harmonieuse. De manière insidieuse, sans que l’on s’en aperçoive, du moins je ne m’en suis pas aperçu tout de suite, l’ambiance va se dégrader. C’est là l’un des points forts d’Isabelle Villain : mettre en avant la dépendance des petites communautés à l’humain. Autant notre société peut être étouffante, autant elle apporte des gardes fous, ce qui n’est pas le cas des petits groupes vivant en quasi autarcie. Cela peut très bien se passer, mais il peut suffire d’un petit changement pour qu’une ou plusieurs personnes prennent le pouvoir de manière plus ou moins insidieuse et ce qui était une communauté harmonieuse peut vite tendre vers une secte. N’oublions pas non plus la fragilité des enfants et des adolescents. Ils trouvent dans de tels communautés de l’indépendance et dans certains cas une meilleure qualité de vie, mais du fait du nombre réduit de référents, ils peuvent se placer d’eux même très facilement sous la coupe d’un gourou. Ce très bon livre apporte une bonne histoire, et l’auteur initie beaucoup de réflexions qu’elle nous incite à poursuivre de notre côté après la dernière page.