Cette histoire n’est pas sans rappeler un livre connu et le style de son auteur non moins célèbre. Le thème du couloir de la mort aux Etats-Unis n’est pas étranger à ce clin d’œil. La manière de raconter l’Amérique profonde et de donner du corps à ses personnages en est également une autre facette, de même que la tension subit par le lecteur pendant toute l’histoire. Mais je vous rassure ce n’est pas un plagiat, loin de là. Estelle Tharreau apporte sa propre intrigue et ses propres idées en mettant en scène un bourreau officiel du couloir de la mort devenu condamné lui même.
Nous allons donc partager les dernières heures de ce condamné. Ces heures vont être riches en émotions et vont nous permettre de comprendre le passé de cet homme et les raisons qui l’ont amené à passer de l’autre côté des grilles. En plus d’un thriller puissant, Estelle Tharreau, avec la distance française, nous amène à réfléchir sur la justice américaine et certaines de ses failles. Pour cela elle utilise la curiosité du gouverneur venu interroger l’ex bourreau pour comprendre ses gestes et obtenir le maximum d’information pour décider de la grâce. Elle n’est d’ailleurs pas toujours tendre avec les institutions : Si Sutton n’avait pas été tueur en série, il aurait pu devenir homme politique avec ses belles paroles et son opportunisme.
Des bêtes calmées à coups de matraque et de bombes lacrymogènes lorsque la détresse se transformait en rage. Sains de corps, ils marcheraient tous à demi fou vers la salle d’exécution.
Ni avec certaines convictions américaines : Ruminant sa haine contre cette Amérique à la dérive, contre les communistes, les Noirs, les anti NRA, les Latinos, les athées et les Russes, il déclinait un peu plus à chaque journal télévisé.
Pour mon pays et ma famille, je préférerais sacrifier mon fils plutôt que de laisser des criminels en liberté. Décider dans quel monde on veut vivre, ça suppose de tels sacrifices.
Celles-ci sont d’autant plus préoccupantes dans les états où la peine de mort est toujours en vigueur et où, forcément, les erreurs judiciaires ne sont pas réparables. Pour ce faire Estelle Tharreau joue un jeu dangereux en mettant son personnage en présence de bons et de mauvais condamnés à mort. J’ai utilisé ces termes volontairement et non innocent ou coupable... ce ne sont pas toujours les mêmes. Elle parvient à rester sur ce fil ténu sans adopter une systématisation manichéenne de la peine de mort. Elle y parvient probablement en s’inspirant de la réalité, comme elle le précise dès la première page : Aucun d’eux n’a existé, mais leurs vies, leurs passés, leurs crimes, leurs procès et leurs exécutions sont inspirés de centaines d’histoires
Nous avons ici un thriller puissant, engagé, avec un thème profond, porté par une narration prenante et des personnages bien campés. Que dire d’autre, si ce n’est qu’il s’agit d’un livre à lire, et même à relire je pense. Une relecture devrait permettre de l’apprécier différemment en connaissant le contexte.
Je laisserais le mot de la fin à l’auteur à propos de son personnage : Il arrivait au bout du chemin, de cette vie d’errance et de désillusions, mais il avait le sentiment de ne pas se sacrifier pour rien. D’avoir choisi dans quel monde il voulait vivre. D’avoir contribué à le rendre meilleur.