Le Faiseur d'Histoire

Quasi tout dans ce roman est novateur. L’on pourrait croire l’intrigue du retour dans le passé pour le changer mâchée, remâchée et rabâchée, mais Fry lui apporte une couleur plus sombre : celle du désastre complet d’une telle entreprise. L’auteur développe la théorie tout à fait logique et fortement plausible qu’un seul et unique homme ne peut pas tout changer ; que tout ne peut pas se régler en se débarrassant de lui et uniquement lui. C’est la force majeure de ce texte, dans lequel Fry remplace Hitler par un certain Gloder. Pire, ce dernier parviendra à réaliser toutes ses espérances de conquêtes les plus folles et meurtrières, qu’Hitler partageait. Ainsi, le monde dans lequel atterrit Michael est plus épouvantable que celui que nous connaissons. Enfin un livre ambitieux sur le sujet !
Et que dire de la forme, tantôt une narration, tantôt un scénario ? Ce choix d’alternance en fonction des scènes d’action du récit s’avère judicieux car il transpose le rythme accéléré que de tels évènements imposent. C’est frais, moderne.
La fin m’aura toutefois légèrement déçue, en donnant à Michael, plus assuré toutefois, le rôle d’un mec qui jette tout aux quatre vents, sans réellement expliquer pourquoi il fout tout en l’air, sans réellement dire que c’est parce que sa vie dans le monde réel est peut-être plus nulle finalement que celle dans le monde visité.
J’ai moins aimé également toutes les scènes tirées du passé d’Hitler ou de Gloder, en particulier dans le Livre 1. Ces dernières, même si elles plantent le décor, rompent toutefois le rythme et exacerbent l’impatience du lecteur de savoir comment Leo et Michael vont s’y prendre pour empêcher la conception d’Hitler.
Mais il faut quand même reconnaître à Stephen Fry le talent d’emmener son lecteur dans son univers, de créer des personnages attachants, d’être ambitieux dans le but ultime de son livre, lui qui “fait l’Histoire” aussi bien que “l’histoire”.
A ne rater sous aucun prétexte.