Je ne sais pas si cela va vous rassurer, mais ce livre ne parle pas des petites bêtes à 8 pattes, mais bel et bien des grosses bêtes à 2 pattes qui sont à l’affût sur la grande toile qu’est internet. Les éditions de la Rémanence ont eu la gentillesse de m’envoyer un exemplaire papier en service de presse. Et je dois reconnaître qu’il est très agréable en mains : papier épais, police agréable et bien espacée, la graphie des dialogues virtuels est sans ambiguïté.
La force de l’auteur est de nous faire partager, avec une grande justesse de ton, les pensées, réflexions, inquiétudes et conflits, de Sancie jeune adolescente de tout juste 14 ans. Elle se voit comme le vilain petit canard de la famille, derrière une soeur aînée modèle et brillante. Elle se heurte en permanence à l’image de celle-ci, que ce soit vis à vis de ses parents ou de ses professeurs. Son besoin de reconnaissance en est d’autant plus grand, et va l’entraîner vers d’autres fréquentations que celles habituelles à son âge. Elle va en effet rencontrer IRL (dans la vraie vie, In Real Life) Arthur 19 ans, et sur skype Peterpan 17 ans. Ce dernier devient très vite son confident et elle lui raconte tout, sauf son âge réel, se vieillissant de 2 ans.
Calouan maîtrise parfaitement les priorités des jeunes de cet âge là et les mondes de différences que peuvent représenter pour les ados des écarts d’1 ou 2 ans seulement.
Petit bémol étrange : vers le milieu du livre, à cause d’un certain nombre de coïncidences, Sancie se demande si son marchand de fruit et légume ne serait pas son fameux Peterpan. Elle finit par rejeter cette possibilité, mais sans tilter que si Peterpan n’est pas son marchand de légume, il peut quand même être autre chose que ce qu’il prétend. Ce n’est pas incohérent en soi, cela nous arrive à tous d’avoir des comportements par forcément des plus logiques, surtout par rapport au monde virtuel.
Mon bémol vient plus du fait que nous ne saurons pas d’où venaient ces coïncidences pour le moins troublantes.
De même, pour ses rencontres avec des connaissances de la vie réel Sancie applique des principes élémentaires de prudence, par exemple en refusant de suivre Arthur à un “concert” imprévu, mais elle n’y pense pas du tout à propos du rendez-vous avec Perterpan.
De fil en aiguille, la machine infernale se met en place en suivant une mécanique malheureusement trop classique et sur laquelle compte un certain nombre de prédateurs : la curiosité, le besoin de se confier, le plaisir d’être compris dans un environnement difficile, puis la peur de perdre un ami très cher en refusant de franchir une petite étape supplémentaire, la difficulté psychologique de dire non... Le tout pouvant être accéléré par de “petits” événements déclencheurs, ici la mort d’un animal de compagnie.
Calouan gère bien la montée de la tension avec l’approche du fameux rendez-vous, quand le virtuel arrive dans le réel. Le rythme est particulièrement prenant. Heureusement la chaîne d’indices que sème Sancie derrière elle, à son insu, m’a rassuré sur le dénouement probable, mais sait-on jamais ? Cela m’a permis de pouvoir respirer à peu prêt normalement jusqu’à la fin.
Cela reste un roman pour ado, aussi l’auteur le termine sur un “happy-end” même si Sancie a été secoué physiquement et moralement et qu’il lui faudra un peu de temps pour s’en remettre.
MAIS le message est là : dans la vie ce ne sera pas toujours ainsi ! Le moindre grain de sable peut faire dégénérer la situation de manière irrémédiable. Ne tentez pas la diable, surtout qu’il est malin et a plus d’expérience que vous !Je l’ai déjà écrit plus haut, l’auteur a bien décrit le mécanisme pour amener d’innocents ados à rencontrer des inconnus, et elle continue à la fin en décrivant le mécanisme très simple de rendez-vous en deux temps où les sécurités prévues par l’ado tombent d’elles même et où ils deviennent, à leur insu, moteurs de leur perte.