2014-01-05 20:54
Ma première rencontre avec Eric-Emmanuel Schmitt remonte à une période triste de ma vie. Souffrant d’insomnies alors que mon père vivait ses derniers instants, une nuit, lassée de trop penser, je me suis mise devant la télévision, - fait complètement inhabituel chez moi -, et me suis mise à changer de chaine, dans un espoir vain de me changer les idées. Tout d’abord une chaîne, puis une autre, encore une autre, et encore une autre. Et je suis tombée sur une émission littéraire, - type de programme que je ne regarde jamais -, je n’aime pas connaître la tête des auteurs que je lis, et il était là. Ce drôle de bonhomme m’a aussitôt interpelée. Son physique dans un premier temps, la bonhomie naturelle qui s’en dégageait, sa voix ensuite, emprunte d’une douceur toute féminine, et enfin ses mots… Le présentateur lui faisait une critique plutôt sévère de son dernier roman, lui reprochant une naïveté dans son rapport au monde, et une absence de méchanceté dans les personnages. Pas trop fades ou trop lisses. Non. Trop bons. Tout était trop gentil pour lui. Et je me souviens encore de l’attitude d’Eric-Emmanuel Schmitt, souriant, très calme, qui lui rétorquait, le plus naturellement du monde : “Mais pourquoi devrait-il en être autrement ?" C’est la seule fois dans ma vie où, à partir de quelques instants passés « avec » l’auteur, j’ai eu envie de lire son œuvre. Odette Toulemonde et autres histoires, est fidèle à l’image que j’en ai eue ce jour-là. Huit nouvelles, - et vous savez pourtant que la nouvelle n’est pas un genre que j’affectionne -, huit portraits de femmes, et huit moments volés de bonheur. Son écriture est facile, coulante, claire, sans fioritures, et traversée par une tendresse qui m’a donné confiance, tout au long de la lecture, en ce que je lisais. Je connaissais déjà la chute de chacune de ces nouvelles, non pas parce le récit est maladroit, mais parce qu’il ne pouvait pas en être autrement. Tout coulait de source. La séparation imposée par la fin du recueil m’a laissé un véritable vide au fond de moi tant ce que j’y ai lu était apaisant. Pourtant, ne croyez pas que ces portraits de femmes soient naïfs ou candides. Le regard porté sur eux les voit telles qu’elles sont, égoïstes, malades, bêtes parfois, mais il les aime. De chacune de ces nouvelles Eric-Emmanuel Schmitt aurait pu faire un roman, mais je ne sais pas si le résultat aurait été aussi abouti. Il fait le tour des choses en peu de mots, avec la précision d’un horloger. Si je devais à mon tour écrire à Eric-Emmanuel Schmitt, je le remercierai de ces quelques heures de quiétude et d’émotions qu’il m’a offertes, parce que c’est là quelque chose de réellement précieux.