2013-08-26 13:38
Je ressors peu marquée et même assez déçue de cette lecture. Bien sûr, la prose est agréable, les scènes s’enchâssent bien, l’intrigue, assez dépouillée, atteint une portée universelle mais, pour tout dire, je me suis plutôt ennuyée. Seule l’apothéose du dernier chapitre est parvenue à me faire un peu vibrer. Francis Scott Fitzgerald raconte la tragédie d’une société à laquelle, comme son héros, il ne fut jamais complètement lié. Son narrateur fait le constat d’un monde terrible, sur le déclin, où l’on ne peut arriver autrement que par la naissance.
Pourquoi ce roman a-t-il remporté un si grand succès ? Peut-être à cause de sa simplicité savamment dosée. Tout passe par la suggestion, le passé trouble de Gatsby comme les tensions de la belle société américaine des années folles. En arrière-fond, la prohibition, la mafia, les excès d’un monde perturbé, à moitié renversé. Le scénario est un peu fou, étonnant, d’une certaine façon, mais le ton de Francis Scott Fitzgerald est si détaché que rien ne dérange un seul instant. Entre la thématique de l’amour impossible et celle de l’homme seul contre les calomnies de l’élite sociale, il y avait de quoi toucher durablement un très large public. La sortie d’une nouvelle adaptation et l’engouement autour de l’œuvre le prouvent. Gatsby est la pointe émergée de la bibliographie de l’auteur, une bonne entrée en matière, mais peut-être pas la meilleure approche de Francis Scott Fitzgerald. Après Les heureux et les damnés, dont la structure peu évidente ne pouvait toucher un large lectorat, l’écrivain de la génération perdue fait, avec son troisième roman, une synthèse brillante de tous les développements du second en utilisant, cette fois, un personnage auquel il est aisé de s’identifier (quand Anthony Patch est un rejeton de l’aristocratie la plus hautaine). Comme d’autres artistes de son époque, il continue de prendre sa revanche sur un milieu huppé où règnent les cultes de l’image et de l’argent, où le démon alcool avilit tout. Dans les deux cas, la conclusion est désespérée. Cependant, moins frontalement tragique, celle des Heureux et des damnés m’a laissée une impression bien plus glaçante. Au lieu de se concentrer sur le destin d’un homme, Francis Scott Fitzgerald condamne au surplace un monde tout entier, celui de Daisy et Tom, qui se délite de l’intérieur sans que personne – à part le lecteur – ne le constate clairement. Sans ce titre, je ne sais si la lecture de Gatsby m’aurait incitée à avancer plus loin. Il faut dire que la barre avait été mise assez haute dans mon esprit, et voir un résumé condensé du roman précédent, plus orienté vers la compassion me satisfait moins.
D’une manière encore plus subjective, je dirais que l’idée d’un amour cristallisé peine à balayer mon cynisme et que je préfère suivre par conséquent, un Anthony Patch constamment ivre, déprimé, désabusé, qu’un Jay Gatsby larmoyant collé aux basques d’une greluche.
En parlant de mes impressions autour de moi, j’ai d’ailleurs constaté que les autres admirateurs de l’auteur n’étaient pas davantage conquis par son « chef-d’œuvre ». Comme eux, je vous inciterais donc à ouvrir des romans plus délaissés et plus mordants si ce petit roman ne vous a pas convaincus.