2013-04-18 12:22
Après avoir vu l’adaptation, qui fut un immense coup de coeur, je ne pouvais pas passer à côté du livre. D’autant plus que j’avais lu ici et là que certaines scènes étaient assez différentes du livre. Normalement, je n’aime pas voir une adaptation avant d’avoir lu le livre mais en l’occurrence, je n’ai pas eu le choix.
Et pour une fois, cet ordre des choses ne m’a pas gêné, à ma grande surprise. Je pense que cela tient au fait que le livre reste différent de l’adaptation et que j’ai donc pu redécouvrir des scènes sous un autre angle. Sans surprise, le livre est beaucoup plus approfondi et abouti dans l’histoire et les personnages que la mini série. Margaret m’est apparue tout aussi agaçante, sinon plus et John toujours aussi adorable et touchant.
Contrairement à la version télévisuelle, la relation entre John et Margaret n’est pas l’intrigue principale, elle ne sert que de prétexte à l’auteur. En effet, le sujet du livre n’est pas leur histoire mais celle du monde industriel, de l’apparition des syndicats, des inégalités sociales et autres sujets connexes sur la société de l’époque.
Le rôle des syndicats est beaucoup plus présent ici, notamment à travers le personnage de Higgins beaucoup mieux exploité et dont les conversations avec le père de Margaret sont très intéressantes sur le sujet.
Le livre aborde beaucoup de thèmes et d’une manière approfondie. J’ai apprécié cet aspect de l’histoire. Pour les personnages, comme je le disais, j’ai retrouvé leurs principaux traits de caractères. Néanmoins, concernant Margaret, j’ai eu plus d’empathie pour elle dans le livre car même si elle m’apparait toujours aussi froide, j’ai mieux compris certaines de ses attitudes et le fait de connaitre ses pensées me l’a rendue plus touchante.
Pour ce qui est de John, on se rend compte à quel point ses sentiments pour Margaret sont forts et sa manière de la regarder est assez bouleversante. Je crois que beaucoup de femmes aimeraient être regardées et admirées comme John regarde et admire Margaret. Les pensées de John à son égard sont souvent très belles et la force de ses sentiments envers cette femme qui le méprise est admirable.
Il y a un passage, dans lequel c’est Margaret cette fois qui nous livre ses pensées en regardant John, qui a particulièrement retenu mon attention: « Au contraire, chez Mr Thornton, des sourcils très droits dominaient immédiatement ses yeux clairs, enfoncés, dont le regard sérieux, s’il n’était pas désagréablement perçant, semblait cependant assez intense pour pénétrer l’objet de son observation jusqu’au tréfonds. Son visage était dessiné à grands traits aussi fermes que s’ils avaient été sculptés dans du marbre, concentrés surtout autour des lèvres, qu’il avait tendance à serrer un peu sur une rangée de dents parfaites. Lorsque le sourire, rare et éclatant, jaillissait d’un coup, on avait l’impression d’une brusque apparition du soleil : il illuminait d’abord les yeux puis transformait la mine sévère et résolue d’un homme prêt à tout faire et à tout oser, la métamorphosait et laissait voir le pur plaisir que donne l’instant pleinement savouré, une expression qu’on ne voit guère surgir avec pareille spontanéité que chez les enfants. » Chapitre X, page 130 C’est bête à dire mais je trouve ce passage très beau, surtout quand on connait les autres sentiments de Margaret à son égard et l’image que peut renvoyer John. Cette brusque réflexion m’a surprise et j’ai du relire le passage tant je pensais avoir mal lu.
Margaret est donc assez surprenante mais ce que j’aime surtout chez elle, c’est sa force face aux drames successifs qu’elle vit. Elle traverse des moments très durs et contrairement à la série, on ressent ici sa peine et on se rend compte à quel point elle essaye de faire bonne figure. Quelques passages dans le livre m’ont bien fait rire, des passages que j’aurais aimé retrouver à l’écran. Mis à part cela, je trouve l’adaptation très fidèle à l’œuvre originale et lire le livre n’a fait que me conforter dans le fait que la version BBC est d’excellente qualité (non, non, je ne dis pas ça uniquement parce que Richard Armitage incarne à merveille John Thornton...). Mais je crois justement que c’est John qui m’a fait apprécier Richard et non l’inverse parce que John est un personnage masculin assez exceptionnel dans la littérature classique, un des rares à être à la hauteur de Mr Darcy. Je ne vais pas vous embêter plus longtemps (le livre est déjà un beau pavé) et je terminerais en vous disant que je recommande ce livre à celles et ceux qui aiment la plume de Jane Austen ou des soeurs Brontë. Néanmoins, ne vous attendez pas à ce que l’histoire d’amour soit au premier plan car ce n’est pas le cas. C’est avant tout les questions de société qui sont abordées ici et qui font l’intérêt du livre. Et si vous n’avez pas le courage de vous attaquer aux presque 700 pages du livre, il vous reste toujours la superbe adaptation BBC de 2004 qui rend largement hommage au travail d’Elizabeth Gaskell.
Je pense d’ailleurs, si j’en ai l’occasion, à m’intéresser aux autres livres de Madame Gaskell parce que sa plume est un vrai plaisir à lire.