2016-02-28 20:58
Sous un prétexte épistolaire, Aravind Adiga décrit l’Inde avec un regard acerbe et réaliste : une Inde à deux vitesses, aux traditions de castes ancestrales mais déconnectées du monde et esclavagistes ; une Inde aux deux senteurs, celles des épices magiques qui font rêver et de la puanteur du Gange pollué et des excréments laissés aux abords des centres commerciaux rutilants ; une Inde corrompue dans toutes ses sphères qui méprise l’humain au profit de l’argent.
Aravind Adiga dresse un portrait anti-touristique, mais un portrait qu’il veut fidèle, loin des idéaux que l’on peut se faire chez les Occidentaux. Son personnage principal est fictif, mais ô combien plausible. Le constat est rude mais cash, il ne dissimule pas son pays derrière des écrans de fumée ou les photos hyper colorisées d’un Taj Mahal sous le soleil couchant. Il y a bien deux types de photos à prendre en Inde. Et finalement, Aravind Adiga ne fait que décrire les réalités de son pays, chose que de nombreux auteurs pourraient faire pour leur propre pays, la France ayant elle-même ses deux types de photographies à offrir au monde.
L’histoire de Balram est intéressante. La narration n’est pas florissante, mais on lit plus ce genre de livre pour leur côté découverte/dénonciation que pour la qualité littéraire (qui n’est toutefois pas à jeter à la poubelle non plus, il faut le préciser). Cette lecture est tout à fait révélatrice et peut-être choc pour qui idéalise ce royaume lointain. Surtout après la lecture d’un roman de Chitra Banerjee Divakaruni, qui, elle, nous offre beaucoup plus cette vision occidentale magique, colorée et épicée de l’Inde. Après ça, Aravind Adiga vient presque te gifler pour te ramener dans la réalité... C’est certainement ça qui lui a valu le Booker Prize quand ce roman est sorti.
La fin est quant à elle tout aussi révélatrice que le reste, avec un Balram qui veut sa part du gâteau, mais qui pour cela a dû jouer au même jeu que les riches et, surtout, renoncer aux principes humains mêmes de la famille. Si le début du roman tourne un peu en rond, l’avancée dans le récit apporte toutes ces descriptions terribles des conditions de vie ou traditions qui emmurent tout un chacun dans des carcans divers et variés (politiques, familiaux, traditionnels, économiques, etc.), avant de mener à cette fin tout aussi emblématique. Au final, ça donne un récit bien construit qui demande un petit temps d’adaptation. C’est peut-être pas le roman de l’année, mais c’est le roman qui te ramène à la raison quant à tes idées sur l’Inde.
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